Archives de Tag: moustache

Rom@, de Stéphane Audeguy

23 oct

Editions Gallimard

Lu par Stéphane

Rasoir 4 fromages

Nous sommes en 2008. Stéphane Audeguy a déjà publié deux romans dans la collection Blanche et vient de remettre le manuscrit de son troisième, Nous autres, à son éditeur (un roman qui un an plus tard sera apprécié par les jurés du prix Virilo, belle consécration).

Le prix Virilo rencontrant Rom@ (et le point Godwin)

Que faire maintenant ? Voyager ? Ecrire ? Stéphane Audeguy se sent un peu las, il a besoin de changer de rythme, de voir du pays. Il a alors une idée, qu’un paquet d’auteurs ont déjà eue avant lui : et s’il postulait à la villa Médicis ? Pas idiot, l’endroit est agréable, Rome est une belle ville, on y mange bien, et bien manger, c’est important… L’auteur tape "Cmd + T" sur son tout nouveau MacBook, qu’il imagine déjà posé à côté d’un verre de Chianti, Piazza di Spagna. Il inscrit "Villa Médicis" dans Google et découvre les conditions d’accès à cet Eden romain : présenter "un projet littéraire en relation avec Rome."

Facile ! Quel meilleur support d’inspiration que la ville éternelle ? Pour se mettre dans l’ambiance, Stéphane Audeguy sort une bouteille de Limoncello et commence à se la coller gentiment tout en rédigeant à la va vite une note d’intention où il case toutes les idées qui lui passent par la tête.

Document en PJ du mail de candidature

Ce serait une histoire où il y aurait des gladiateurs… Et Mussolini aussi ! Il y aurait des légions de fafs qui patrouilleraient dans les rues… Et Anita Ekberg ? Faut quand même qu’elle soit là. Ok pour Anita Ekberg et ne faisons pas de jalouse, offrons un petit rôle à Audrey Hepburn, ça lui fera plaisir… Ce qui serait chouette aussi, ce serait de parler des jeux vidéos, parce que j’aime bien Age of Empire et que bon, bah pourquoi pas après tout ? Et tiens, rajoutons un peu de cul. Du cul gay ? Oui mais pas que. D’accord, va pour du cul gay et du cul pas gay. Il manque encore quelque chose… Ah oui, une histoire d’indien pauvre. C’est ça. Bah là je crois qu’on y est, on a de quoi faire une super intrigue. Clic, clic, re-clic : hop, c’est envoyé !

Le lendemain, Stéphane Audeguy a mal à la tête et s’en veut : pourquoi avoir envoyé ivre mort cette satanée note d’intention ? Il sait bien pourtant qu’il ne faut pas écrire de mail bourré. Après, on regrette… Le voilà déambulant dans la froideur d’un automne parisien, dépité, certain d’avoir gâché toutes ses chances…

"J'espère qu'ils donnent aussi des tickets resto!"

Quelle ne sera pas sa surprise de recevoir, quelques semaines plus tard, une lettre signée de la main d’Eric de Chassey, le conviant toute une année au paradis terrestre des écrivains ! A une condition toutefois : mener à bout le "projet littéraire en relation avec Rome", si plein de fantaisie, qu’il a eu l’audace de présenter.

Oups… Stéphane Audeguy n’est pas à l’aise, dans la même stupide froideur de l’automne parisien, des bouffées de chaleur l’assaillent : il stresse. Il stresse, à mort. Presque autant que ce jour où il a vomi par la fenêtre, pendant l’écrit du Bac français… Puis il se reprend : c’est un homme maintenant, capable de surmonter les épreuves que le destin lui inflige. Oui, il ira au bout de ce texte, qu’il appellera Rom@, et au bout duquel bien des lecteurs n’auront, eux, pas la force d’aller ! Et ce malgré le style raffiné de cet auteur estimable, qui nous aura servi, cette fois-ci, une lecture bien indigeste. Mais Roma valait bien un roman !

PS : à l’évidence, toutes les anecdotes qui précèdent sont d’une véracité absolue.

Un ange noir, de François Beaune

19 oct

Editions Verticales

Lu par Claire

Rasoir angélique

Ô toi, lecteur au moral de carton sapé par le spleen automnal, engourdi par les premières engelures, et brillamment achevé par les pessimistes prédictions économiques, viens donc enfoncer le clou en te frottant au nouveau roman de François Beaune. Quitte à déprimer, déprimons complètement.

En veux-tu en voilà d’un contenu qui dessert son contenant, ou comment réussir à pondre en 277 pages l’histoire sordide d’un héros insupportable, rédigée d’une plume prometteuse à coups d’observations judicieuses.

American Psycho à la Sofres

Oui, disons-le tout de go, que l’on supporte avec peine le récit d’Alexandre Petit, lyonnais de 37 ans habitant chez maman, sondeur chez Sofres et amateur de Motus, paranoïaque, sociopathe, bienveillant dans un style bien à lui, ses meilleures intentions le conduisant à éliminer ceux qu’ils considèrent comme néfastes à la société, avec une nette prédilection pour les punks à chiens.

François Beaune est fort, très fort. Il dépeint avec précision et finesse le portrait de cet homme en cavale, emporté dans des récits de plus en plus torturés. Au début, on l’aime, ce Petit, puis on doute, puis on ne doute plus : c’est un monstre. François Beaune arrive à endormir notre méfiance, nous endort pour mieux nous tromper, mais finalement réalise un coup de poker légèrement suicidaire : son héros est tellement odieux qu’il en assassine son propre livre.

Du domaine des murmures, de Carole Martinez

16 oct

Editions Gallimard

Lu par Stéphane

Moustaches de légende

Legendary ! Jamais terme fétiche de Barney Stinson dans How I met n’avait paru si pertinent pour qualifier un roman de la rentrée, un roman de la collection Blanche chez Gallimard, un roman de Carole Martinez, un roman médiéval… En somme, un roman qui n’a absolument rien à voir avec la délicieuse et désormais ringarde série avatar de Friends.

Et pourtant, legendary, Du domaine est murmures l’est tout entier, moins d’ailleurs par sa qualité évidente que par son propos même : inventer une légende et en raconter la genèse.

Des murmures entre les murs

Minimisons l’exploit, car de bout en bout, Carole Martinez n’a cessé de choisir la facilité :
- placer son intrigue en 1187, une période sexy, que tous les lecteurs adorent et connaissent extrêmement bien,
- faire du personnage principal la narratrice et inventer pour elle une langue imprégnée de son époque, à la fois moyenâgeuse, compréhensible par un lecteur en 2011 et sonnant juste,
- enfin, enfermer la protagoniste (nommée Esclarmonde) dans une cellule de 6 m2 et ce presque 200 pages durant (soit le nombre total de pages du roman). Et lui imposer dans la dernière partie un voeu de silence, parce que c’est sympa, aussi, que l’héroïne ne puisse plus parler. Du point de vue narratif, c’est commode.

Barney te dit good job, Carole.

L’auteur avait donc mis toutes les chances de son côté pour publier une farce grotesque et chiante. Eh bien, c’est complètement raté.

L’histoire d’Esclarmonde – jeune fille qui fait, le jour de ses noces, le choix de refuser de se marier pour vivre en recluse, emmurée à jamais dans une pièce attenante à la chapelle du château de son père – a la valeur d’un mythe.

Avec une habileté qui force l’admiration, l’auteur a bâti une intrigue haletante dont la cellule d’Esclarmonde est le centre de gravité. Sans qu’elle ne quitte jamais sa prison, l’héroïne est au coeur d’événements qui s’enchaînent en cascade et forment, avec sa bénédiction silencieuse, l’armature d’une légende : celle d’une pucelle bénie de Dieu, communiquant avec lui. Une prophétesse.

Dans un style d’un grand raffinement, Carole Martinez montre l’élaboration, de coïncidences en non-dits, d’une parabole. La narratrice, qui elle sait démêler le vrai du faux, se place tantôt du côté de la démystification, tantôt de celui de la foi, si bien que l’on tire de cette lecture une conclusion complexe et profonde : celle de la nécessité existentielle du récit mythologique, même si ses conditions de naissance le renvoie à une réalité plus prosaïque.

Le choix du Moyen-Age comme époque du récit prend tout son sens : comme vous pourrez le lire dans l’extrait qui suit, la narratrice nous interpelle, nous, hommes et femmes d’un XXIème siècle où la spiritualité est réduite à néant.

"Le monde en mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux. Vous avez coupé les voies, réduit les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos villes, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l’oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n’imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi."

Orgueil et désir, de Myriam Thibault

29 sept

Editions Léo Scheer

Lu par Anne

Un titre entre Jane Austen et la collection Arlequin... La jeunesse peut-être

Désir et poil

Un homme, jeune, beau, branché, suit dans les rues huppées de Paris une femme, belle, désirable, un peu plus âgée que lui. Mais il ne s’agit pas là du 10,000e roman d’auto-fiction d’un apprenti littérâtre en quête d’adoubement (lequel gagne son poids en champagne tiède ainsi que le dictionnaire intégral de l’Académie française, on l’applaudit), mais du premier roman d’une toute jeune fille, puisque Myriam Thibault n’a que dix-sept ans. Son jeune âge – ou son talent précoce, l’avenir nous le dira –, confère à ce récit pourtant peu original une certaine fraîcheur et fait de Orgueil et Désir un très bref roman somme toute agréable à lire. Toutefois, on s’interroge : les références à la tendance, vestimentaire, « intellectuelle », sociale, abondent avec un détachement que l’on soupçonne d’être affecté. Tout cela sent la complaisance mise en abîme, le « je vous critique, mais en même temps, j’aimerais quand même bien en être, du milieu ». Bref, l’adolescence.

Question subsidiaire : comme Sacha Sperling, autre bébé-auteur bobo, Myriam Thibault cite Gainsbourg. Plagiat ? Intertextualité ? Phénomène d’une génération qui sniffe son premier rail à l’heure du goûter ?

Le Ravissement de Britney Spears, de Jean Rolin

7 sept

Editions P.O.L.

Lu par Xavier

I'm a slave 4 U

Rasoir pop

De ce livre, on ne retiendra que l’interview alléchante de l’auteur dans les Inrocks où il explique sa démarche. En abordant son sujet, l’étude des déambulations de Britney Spears dans Los Angeles, par l’absurde – se mettre dans la peau d’un agent secret enquetant sur une menace de mort pesant sur Britney Spears – Jean Rolin perd son lecteur. D’une part, parce qu’il néglige trop souvent son sujet, et lui préfère les faits et gestes d’une autre people, Lindsay Lohan. D’autre part, en faisant raconter son récit par l’agent secret désormais envoyé à la frontière du Tadjikistan et de la Chine dont il nous abreuve de détails aussi inutiles que chiants.

Oops, I did it again

Seuls intérêts du livre : les déambulations de l’auteur (qui pour le coup a du mal à se cacher derrière son personnage) dans Los Angeles, et les paparazzi, à la psychologie moins futile que celle de leur travail. Le problème : ces deux intérets sont bien mieux mis en valeur en interview que dans le livre… raté, donc.

Où en est la nuit ?, de Jean Hatzfeld

5 sept

Editions Gallimard

Lu par Julien

Le marathonien éthiopien (reconstitution par un des membres)


Duvet africain

La lecture est une course de fond. Après quelques jours affalé sur le sable avec des romans qui font plouf et des journaux qui font pschiiiiit, me voici de retour dans le vrai monde, celui de la littérature avec un grand L. Affûté comme un gaillard. Il est onze heures, Roubaix s’endort et moi j’ouvre « Où en est la nuit », de Serge Hatzfeld. Ou l’histoire d’un grand reporter familier des scènes de guerre (jamais dans son bureau, jamais au téléphone, écrivant un « papier » tous les trois semaines, la vrai vie d’un journaliste, quoi) toujours entre la Corne de l’Afrique et les montagnes afghanes.

Au détour d’un reportage « embedded », ce Rouletabille moderne se prend soudain d’affection pour un marathonien éthiopien, Ayanleh Makeda. Un brave champion, consciencieux et victorieux, pris dans une sombre affaire de « doping » qui l’amène jusque dans des tranchées aux confins de l’Ethiopie et de la Somalie. La guerre… Ce n’est pas vraiment sa faute, on ne sait pas pourquoi ils ont des tranchées et pas de gaz moutarde là-bas, mais à la limite, peu importe. Ce qui compte pour Serge, ce sont les descriptions de paysages… et les chameaux – ou les dromadaires, je ne sais plus, c’est en Afrique pas en Asie, ils n’ont qu’une seule corne là-bas, non ?-. Une bosse par-ci, un troupeau par-là : au bout de cent pages, le lecteur colporte la ferme impression d’être assis sur sa selle au milieu des dunes, dans l’attente fébrile d’un mirage lui amenant bras dessus-bras dessous Aladin, le capitaine Haddock et même Rango, soyons fou.

Tentative de réponse


Bref, c’est assez bucolique, écrit et planant, mais ça laisse quand même sur sa faim (sans mauvais jeu de mot sur le problème de la malnutrition dans ces contrées, mauvais esprits). Alors, où en est la nuit ? Bah là il est une heure, je sais, je regarde mon réveil tous les six minutes, et je vais me coucher. Et puis, comme dit ma copine, « ça se sent trop que le journaliste veut se taper la femme du coureur, et ça c’est pas beau ».


Des vies d’oiseaux, de Véronique Ovaldé

30 août

Lu par Marine

Editions de L’Olivier

Même eux

Des soucis lourds, si lourds ? Une vie claustrophobiquement pesante ? Grand marabout certifiée es-légèreté de l’âme vous soulage avec histoire à la frontière du monde réel. Retour de l’être aimé ou guérison des faiblesses sexuelles toutefois pas garantis.

Tout comme son précédent roman (Ce que je sais de Véra Candida), ici règne une sorte de merveilleux qui rend possible ce cheminement personnel que nous ne nous autorisons pas habituellement. Point de drame fatalement destructeur car toute facette des personnages, tout évènement est une étape vers autre chose, forcément meilleur.

Ne nous méprenons pas, il ne s’agit pas de niaiserie ou de superficialité (quoique parfois…). La légèreté dont nous faisons mention renvoie plutôt à la liberté d’existence qui pourrait être la nôtre et qui est celle des héros des vies d’oiseaux.

Les amateurs de tragédies insolubles (ou de manifestes politiques) pourraient trouver le tout inconsistant. Ceux qui cherchent une lecture appaisante apprécieront.

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Lu par Claire N.

Moustache fournie

Moustache volante

Quand le lieutenant Taïbo assène la vérité des dernières pages: "Si tu voulais des garanties, ma douce, il fallait acheter un toaster", c’est bien le lecteur qui se frotte les mains. A la manière d’un grille-pain de manufacture allemande, son roman a tenu ses promesses. Pour seulement dix-neuf euros, il est devenu l’heureux détenteur d’un récit qui, depuis ses genoux, l’a transporté au delà de son arrêt de métro vers un Brésil ou un Mexique imaginaire.

Cette belle histoire lui a assurément ravi le cœur avec son écriture insouciante, ses personnages sans malice et son intrigue "garantie sans ficelles apparentes". Une écriture dont le mot d’ordre serait légèreté, légèreté chérie…!

Un roman à ne pas oublier d’emporter en vacances. Ou à l’occasion de la rentrée littéraire, dans le bus, le métro ou le tramway!

Tuer le père, Amélie Nothomb

23 août

Albin Michel

Lu par Claire

Quand l'auteur c'est la couv' et que son nom est plus grand que le titre ce n'est jamais très bon signe

Rasoir facile

Son seul patronyme suffit à assurer un jackpot littéraire, alors pourquoi se priver de critique ?

Il n’eût pas été très fair play de la part du Virilo de descendre le mainstream pour la seule raison qu’il l’est, mainstream. Doit-on cracher sur Léonoard de Vinci parce que la Joconde a le malheur d’être le tableau le plus connu au monde? Que nenni.

Non,  le Virilo ne s’arrête pas à de si triviales considérations. Le Nothomb a donc été lu. En une vingtaine de minutes, debout dans le rayon librairie d’un grand magasin dont nous tairons le nom, l’épaule sciée par un sac trop lourd et le dos criblé du regard soupçonneux d’un vendeur zélé.

Facile. Il a l’air facile pour Amélie de créer des atmosphères peuplées de personnages souvent tordus, parfois attachants, généralement très lisibles. Elle s’attelle ici au monde du jeu, de la magie, des artistes qui vont se dissoudre dans l’acide du festival de Burning Man, d’un jeune prodige des cartes, Joe, recueilli par un couple de ces artistes. L’homme, Norman, devient son mentor, son père; elle, Christina, sa mère, et son grand amour. Amoureux de cette nouvelle mère, orgueilleux quant à son talent, il trahit ce père qu’il s’est choisi. Il s’enfuit et vole de ses propres ailes, frôlant le danger dans l’univers du poker. Mais ce père adoptif choisit alors son fils contre sa vie, et le suit comme une ombre, attentif, abandonnant femme et vie d’avant.

Facile. C’est un goût de trop peu qui nous reste une fois ce livre refermé. Amélie Nothomb ne fait qu’effleurer un univers que l’on aurait aimé vraiment voir développé, travaillé, ciselé en une fresque plus profonde. Au lieu de quoi, ce roman ne ressemble finalement qu’à une synthèse bien faite, au quatrième de couverture un peu long d’une histoire qui eut mérité un vrai investissement. Comme si elle n’avait fait que produire le strict minimum destiné à satisfaire son éditeur, ses lecteurs, et son mythique rythme d’écriture annuel. Amélie pêche donc ici par le trop peu, et non pas par une histoire bancale ou mal écrite. L’idée y était, la facilité l’a emporté.

Facile. Il est facile pour Amélie Nothomb de s’arrêter à ce qui ressemble donc à une nouvelle, car son livre sera quoi qu’il arrive acheté, aimé, et encensé.

Tout comme Joe, son personnage principal, elle manie les cartes comme un vrai joueur professionnel: en trichant.

Un seul regret destiné aux fidèles adorateurs de mademoiselle Nothomb. S’il était paru deux mois plus tôt, il aurait constitué un agréable divertissement de transat.

La communauté universelle, Eugène Green

22 août

Editions Gallimard

Lu par Stéphane

Le prix Virilo est stasimoné

Tragiquement glâbre

Telle est la structure de ce roman qui reprend, sans snobisme aucun bien évidemment, le découpage cher aux dramaturges de la Grèce antique : prologue, parodos, épisodes et stasimons, puis exode. Ca claque plus que chapitres, convenons-en. Et ce vernis était sans doute nécessaire pour rappeler à des esprits peu avertis la parenté de La communauté universelle avec le théâtre du pays où naquit la démocratie et la banqueroute de la zone euro. Quoi de commun entre Eugène Green et Euripide ? Eh bien au moins cet attachement forcené (et désormais si bêtement désuet) au stasimon.

Tragiques également…

… l’exposition, expédiée en quelques tirades qui sonnent si faux que c’en est douloureux

… les dialogues, plus largement, dont le schéma type est le suivant : salut ça va ? / Super. / Attends je te raconte un truc sur 25 lignes en rapport avec la religion :  (truc sur 25 lignes en rapport avec la religion) / Ah ouais ok je savais pas ci-mer gros. On se voit demain ? / Oui cool à demain.

… les invraisemblances de l’intrigue. La femme du Dr Epinose le quitte et part à Londres chez sa grande-tante, où travaille un dénommé Ronas, mi-serviteur mi-jardinier. Le Dr Epinose part sur les traces de son épouse et, dans les rues de cette si petite bourgade qu’est London, avec qui fraternise-t-il ? Ronas of course. Un vrai coup de luck, man !

Tragiques enfin…

… l’écriture, qui est, à son mieux, d’une platitude totale, le reste du temps gênante

… le délire religieux qui sous-tend le texte et trouve son apogée dans la phrase finale, qui je m’apprête à vous livrer, car elle est superbe, et car vous ne lirez pas ce roman. La femme du Dr Epinose lui apprend qu’elle est enceinte : "Ô Emile ! Enfin je porte en moi le corps de Dieu."

Nooooooooooooooooooooooonnnnnnnnnnnnnn !

En bref, une vraie découverte.

Pour une autre découverte dans le même registre tragique, reportez-vous à :

Baltern, de Patrice Blouin

18 août

Gallimard

Lu par Stéphane

Baltern ou baltringue ?

Léger duvet relou

Beaucoup de romans contemporains compensent l’indigence de leur intrigue par un style singulier, des qualités descriptives ou encore une certaine épaisseur psychologique des personnages. Ici, c’est presque l’inverse. L’idée de départ est pour le moins originale et prometteuse : un groupe d’acteurs hollywoodiens de seconde zone, mis à la porte des studios lors de la crise des années 60, décide de coloniser un village suisse, Baltern, où ils jouent chacun dans la vie leurs rôles fétiches à l’écran (médecin, juge, chauffeur de taxi, diseuse de bonne aventure, etc.). Ca aurait pu être drôle, ça aurait pu être profond, ça aurait pu être, tout simplement, lisible. Mais une écriture dénuée de caractère, un goût immodéré pour le bavardage, des personnages monolithiques et in fine, une histoire sans propos, aux rebondissements prévisibles, écrasent de tout leur poids la sympathique intuition de départ.


Lu également par Marine.

Monsieur Blouin est critique cinématographique. Il a donc naturellement écrit une trame d’histoire s’apparentant plus à un scénario succinct qu’à un roman psychologique. Le fait est que, comprenant cela, le tout se tient fort bien. Le synopsis est bon, même si l’épaisseur des personnages devra nécessairement être approfondie par le jeu d’acteurs. Pour ce qui est de la simple lecture, passez votre tour.

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